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Gabriel de La Landelle (1812-1886)

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3 novembre 2014

« Pour le marin, le navire n'est pas simplement un corps matériel, une machine, un meuble, une caserne, c'est un être doué de vie et de sensibilité, qui gémit pendant la tempête, qui se lamente et pleure lorsque le calme l'enchaîne, qui dort au mouillage, qui veille et travaille au large. ». Cette description de l’attachement viscéral du matelot à son navire se trouve dans Un corsaire sous la terreur, écrit par quelqu'un qui sait de quoi il parle, Gabriel de La Landelle.

De La Landelle, romancier, photographie, tirage de démonstration, Atelier Nadar

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53050468b

Cet écrivain est né à Montpellier le 5 mars 1812. Descendant d’une famille de marins bretons, il s’engage dans la "Royale" à 16 ans, après une scolarité de quatre années dans un collège de Strasbourg. Il va naviguer sur plus de dix batiments entre 1828 et 1839, allant du Brésil à la Martinique, de la Guadeloupe au Portugal et l’Algérie. Il monte en grade, passant de simple matelot à enseigne de vaisseau, pour finir capitaine de frégate.

Mais, le 14 septembre 1839, il démissionne, pour s’embarquer dans une autre aventure, celle de l'écriture. Dès 1840, il rédige Les Gens de la mer, ensemble d’articles insérés dans Les Français peints par eux-mêmes : encyclopédie morale du dix-neuvième siècle, qui le font connaître et l’introduisent dans la sphère journalistique. D’abord dans des périodiques spécialisés : La France maritime, puis le Journal de la Flotte dont il est l'un des fondateurs et le rédacteur en chef. Il élargit ensuite sa palette, collaborant à d’autres titres : L’Union catholique, La Mode, Le Commerce. Profondément chrétien, il combat farouchement les révolutionnaires de 1848, qu’il appelle « les incendiaires », à travers rubriques et pamphlets publiés dans des journaux réactionnaires, comme La Liberté, L’Avenir national, Le Lampion. Ce qui ne l’empêchera pas de fulminer toujours contre la guerre : « Oh la guerre ! J’enrage du matin au soir de la sottise universelle de l’espèce féroce prétendue humaine » (lettre du 1er octobre 1884).

Outre ses articles nombreux et divers, touchant tous à l’univers maritime dont il est considéré comme une des grandes références, il devient un écrivain prolifique, et rédige durant sa carrière près de 90 ouvrages dont la plupart touchent, de près ou de loin, au monde des océans.

 
Le Passe-temps publie Sans-Peur le corsaire, roman maritime par G. De La Landelle. Affiche par Horace Castelli, 1880
 

Il s’agit essentiellement de romans, parus d’abord en feuilletons dans la presse, puis la plupart du temps réédités en librairie. La grosse majorité sont des récits « maritimes », thématique devenue à la mode grâce à Fenimoore Cooper (L’Écumeur de mer  ou La vie d’un matelot) et Eugène Sue (La vigie de Koat-Ven : roman maritime (1780-1830)  et Atar-Gull). La Landelle en fait un des grands courants de la littérature populaire. On y trouve ce qui est devenu par la suite les codes et les lieux communs de ce type de récit : enlèvements, bistrots à marins et entrepôts, atmosphère confinée du bateau et air du grand large, détente au port et tempêtes apocalyptiques, rythme rapide. La Landelle y rajoute sa profonde connaissance de la vie en mer du temps de la marine à voile. C’est d’ailleurs ce savoir professionnel qui plait : « Ses descriptions portent plutôt le cachet de l'exactitude, écrit Cherbuliez, il expose fidèlement l'état actuel des choses, et son récit, entremêlé d'épisodes plus ou moins dramatiques, sera lu, nous n'en doutons pas, avec beaucoup d'intérêt » (Revue critique des livres nouveaux, 1862)  .

Son premier grand succès est La Gorgone, publié d’abord dans le journal L’Époque en 1844, puis repris en livre. Et les titres de s’enchainer : Les Quarts de nuit, contes et causeries d'un vieux navigateur (1845, constamment réédités et augmentés pendant plus de 20 ans), Aventures d'un gentilhomme (1846), Une Haine à bord (1851, le plus connu), Les Princes d’ébène (1852), Le dernier des flibustiers (1856), etc.

Outre les romans maritimes, il publie, toujours sur le thème de la mer, des poésies (La Vie du marin, symphonie dramatique ) et des chansons (Le Gaillard d’avant, chansons maritimes). Et surtout des livres de témoignages et d’érudition, notamment Le Tableau de la mer  et Le Langage des marins , ainsi que des biographies (sur Jean Bart, Dugay-Trouin, Surcouf ou Magellan, toutes d’ailleurs à la limite du roman historique).

Il lui arrive cependant de prendre d’autres directions : romans sociaux (Pauvres et mendiants, récompensé en1874 par l’Académie des sciences morales et politiques) et sentimentaux (La Plus heureuse des femmes).

Il s’intéresse encore aux premiers pas de la navigation aérienne et construit en 1861 avec Ponton d’Amécourt un prototype d’hélicoptère, dont se souviendra Jules Verne dans son roman Robur le Conquérant (1886) et qui lui rendra hommage. En 1863, il crée avec Nadar la Société d’encouragement pour la locomotion aérienne au moyen d’appareils plus lourds que l’air. C'est La Landelle qui inventa le mot « aviation » avec son livre : Aviation ou Navigation aérienne : « L'analogie nous a conduit M. Ponton d'Amécourt et moi à créer le verbe avier, synonyme de voler dans les airs et ses dérivés aviation, aviateur, aviable, aviablement » (cité par le Trésor de la langue française informatisé, dictionnaire établi par le CNRS). Comme écrivain il publie plusieurs livres sur l’aéronautique naissante. Dans les airs, histoire élémentaire de l'aéronautique (1884), et même un roman : Pigeon vole, aventures en l'air, aviation (1868).

Le 15 août 1863, il est nommé officier de la Légion d’honneur. Vingt ans plus tard, atteint par la tuberculose, il s’éteint le 19 janvier 1886. A 74 ans, il avait, selon le langage qu’il a si bien popularisé , « filé son câble par le bout ».

Roger Musnik

Département Littérature et art

Une haine à bord, grand roman maritime, par G. de La Landelle, Éditeur : F. Roy (Paris), 1885

 

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